Par Endemoniada
[Jingle] By the rivers of Babylon, where we sat down…. Les nostalgiques de Bonnet M, groupe à forte poitrine des années 80, auront reconnu les premières mesures d’un tube dont les envolées lyriques parvinrent sans nul doute jusqu’au très haut. On ne peut pas en dire autant de cette question qui pollénise les pâquerettes et qui nous a été envoyée par Kevin : « Cher Radieso, je suis actuellement en stage commando à Bagdad et je suis resté perplexe lorsque notre instructeur, pour illustrer l’ambition qui anime les hommes, a évoqué la tour de Babybel. J’étais pourtant persuadé que l’autre pays du fromage, c’était la Hollande, pas l’Irak ! ».
*soupir de l’animateur* On dit ‘Babel’, Kevin, du nom de cette tour apparaissant à l’origine dans la littérature sumérienne mais qui doit à la Genèse d’avoir largement contribué à échafauder son mythe. Dans la version mésopotamienne, les hommes entreprennent la construction d’une gigantesque ziggourat, sorte d’ascenseur qui leur permettrait d’aller s’asseoir à la table des Annunakis. Le bureau de Mardouk, divinité tutélaire et municipale de Babylone, croule sous les réclamations des dieux qui ne souhaitent pas voir ces cafards d’humain venir grouiller sous les voûtes de leur palais pendant qu’ils mangent. Sous la pression, il se voit contraint de refuser le permis de construire et pour endiguer l’édification de la tour, se décide à jeter un sort sur le grand lac qui jadis bordait la ville.
Les ouvriers du chantier ayant pour habitude de s’y abreuver, perdent immédiatement leur latin dès la première gorgée et se gargarisent alors dans des langues inintelligibles : « glouglouglou »…« hein, qu’est ce que tu dis ? ».
Faute de pouvoir se comprendre, les Babyloniens abandonnent les travaux et la nécessité d’inventer la méthode Assimil se fait ressentir, même si des expressions comme « passe-moi la clé de 12 » ne figurent pas parmi les rudiments dispensés par les méthodes classiques d’apprentissage linguistique. Dans la Genèse, hormis cette histoire de lac, on retrouve en grande partie la trame sumérienne mais selon la Bible, dès cet instant, les fils de Noé se dispersent à la surface du globe et cessent de s’exprimer dans la langue adamique, censée être le tronc commun de tous les idiomes parlés sur terre.
Autre divergence entre les deux versions, Mardouk semble plus enclin à la miséricorde qu’Adonaï. Après qu’Ishtar, assimilée à Venus et un magicien du nom de Shouroukkah aient imploré sa clémence, Mardouk fait apparaître un poisson magique dans le lac. Ceux qui en mangeront retrouveront l’usage de leur langue natale et mèneront à terme la construction de la tour qui sera reconvertie en un temple érigé à la gloire de Mardouk, spéculateur immobilier avant l’heure.
En faisant abstraction de la morale que l’on pourrait extraire de cette mésaventure architecturale, la nécessité pour l’homme de se montrer humble devant Dieu ou l’importance de communiquer pour concrétiser un projet et évoluer, il demeure néanmoins une question à élucider : La tour a-t-elle réellement existé ou s’agit-il uniquement d’une parabole ?
La seule réponse que l’archéologie soit en mesure d’apporter à l’heure actuelle se cristallise dans les vestiges de la ziggourat d’Etemenanki dédiée à Mardouk. Ce monument, dont la hauteur a été estimée à environ 90 mètres, possède une base carrée comme toute ziggourat qui se respecte et bénéficie des faveurs des archéologues bibliques lorsqu’il est question de donner du corps au mythe. Pourtant, force est de constater en simulant l’architecture de l’édifice par le biais de l’imagerie de synthèse qu’on est à des lieues de la représentation classique que nous relaie la tradition populaire. Si Etemenanki et Babel ne font qu’une, alors elle ne ressemble en rien à une tour d’aspect cylindrique et revêt plutôt tous les attributs d’une pyramide à étages. Cette confusion provient sûrement du fait que bon nombre d’artistes ont fait l’amalgame entre la légende de Babel et un autre monument, situé à une centaine de kilomètres au nord de Bagdad, le minaret de la mosquée de Samarra également appelée « tour de Malwiya ».
La tour de Malwiya
Image extraite du site Irak.be.
Edifiée au IXème siècle et reconnaissable entre toutes en regard de son architecture en spirale, c’est elle que l’on peut vraisemblablement contempler sur une grande partie des œuvres qui sont consacrées à la célèbre turgescence immortalisée par des maîtres allant de Gustave Doré à Peter Bruegel l’Ancien… Ainsi se termine ce cinquième opus de RadiEso qui, sans prétendre faire le tour des questions, espère bercer vos mille et une nuits à venir !
Endemoniada 2007