Alexandro Jodorowsky

Cinéaste, acteur, dramaturge, scénariste de films et de bandes dessinées, romancier, mime et psychothérapeute, Alexandro Jodorowsky est un touche-à-tout artistique également connu pour ses explorations de la psychologie et de la spiritualité. Celui qui se surnomme lui-même le « Raymond Devos du Mystiscisme » anime depuis les années quatre-vingt un Cabaret Mystique dans lequel blagues métaphysiques et lectures d’arbres généalogiques côtoient les tirages de Tarot.

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Fils d’émigrants juifs russes exilés au Chili, Alexandro Jodorowsky est né à Iquique, petit bourg au nord du pays, le 7 février 1929. Enfant précoce, il sait lire dès l’âge de quatre ans et se passionne très tôt pour la littérature.

En 1942, sa famille s’établit à Santiago où il termine sa scolarité avant de faire un crochet par l’université pour étudier la philosophie et la psychologie, tout en travaillant comme clown dans un cirque. Mais c’est en tant que marionnettiste ambulant qu’il débute réellement sa carrière artistique en créant un théâtre de marionnettes, avant de se lancer dans la pantomime. Âgé de 24 ans, avec à peine quelques dollars en poche, il se rend à Paris pour étudier cet art sous la direction de Jean Louis Barrault, puis sous celle de Marcel Marceau dont il intègre la compagnie. Durant cinq ans, il sera le partenaire du célèbre mime pour lequel il écrit des numéros tels que Le faiseur de masques ou La Cage.  À la même époque, il met en scène des pièces au théâtre de l’Alhambra et des Trois Baudets, travaille un temps avec Maurice Chevalier qui l’engage pour dépoussiérer son spectacle, puis un beau matin, Alexandro Jodorowski quitte la troupe de Marceau et devient… peintre en bâtiment.

En 1960, il a fait la rencontre de l’écrivain et réalisateur Fernando Arrabal ainsi que du dessinateur Roland Topor. Deux ans plus tard, il fonde avec eux le mouvement artistique Panique, « En l’honneur du dieu Pan, le dieu de l’amour, de l’humour et de la confusion ». Prétendant dépasser le surréalisme et « débloquer l’imagination », le groupe organise des expositions et des spectacles, publie des ouvrages, dont Les jeux paniques et Les nouvelles paniques d’Alexandro Jodorowski, avant d’être finalement dissous en 1973.

Entre temps, ayant découvert le Mexique lors d’une tournée en compagnie de Marcel Marceau, Alexandro Jodorowski décide de s’y établir en 1965 pour y conduire une intense activité théâtrale, mettant tour à tour en scène des pièces de Strindberg, Ionesco, Arrabal, Beckett… C’est également l’époque où il confectionne ses premières bandes dessinées, réalisant lui-même les dessins et les scénarios. Les Fabulas Panicas paraîtront à partir de 1967, à raison d’une planche hebdomadaire, dans le journal El Heraldo de Mexico.  À noter que l’intégrale des Fabulas Panicas a été publiée en 2003 par l’éditeur mexicain Grijalbo.

Jodorowsky03Alejandro Jodorwsky, Fabulas pánicas 88.

C’est ensuite au cinéma que se consacre Jodorowski. Son premier court métrage, intitulé La Cravate, date de 1957, mais ce n’est qu’après avoir fondé sa propre maison de production, Productions Panicas, en 1968, qu’il réalise un long métrage en noir et blanc adapté d’une pièce de théâtre de Fernando Arrabal : Fando et Lis. Le film raconte l’histoire tragique de deux enfants partis dans le désert à la recherche d’un lieu mythique exempt de violence et de souffrance, portant le nom de Tar.

Deux ans plus tard, il réalise son deuxième long métrage destiné à devenir un film culte : El Topo, un western métaphysique dans lequel Jodorowski incarne le rôle principal, celui d’un cow-boy investi dans une quête spirituelle. Le caractère psychédélique du film lui attire la sympathie des babas cool, dont John Lennon lui-même. Devenu icône du milieu underground, il gagne le soutien du producteur des Beatles, Allen Klein, et obtient un budget faramineux pour son troisième film, sorti en 1973, La Montagne sacrée. S’inspirant du roman (inachevé) de René Daumal Le Mont Analogue, le film, qui déploie la même effervescence psychédélique qu’El Topo, relate la rencontre d’un vagabond sosie du Christ et d’un maître spirituel qui lui présente sept personnages représentant chacun une planète du système solaire, avant de l’entraîner dans un pèlerinage vers la Montagne Sacrée.

Rentré en France, Jodorowsky projette d’adapter le roman Dune de Frank Herbert. Pour cela, il débauche ses amis Moebius et H.R. Giger, ainsi que les musiciens des groupes Tangerine Dream et Magma. A noter que Salvador Dali avait accepté de jouer le rôle de l’empereur Padisha Shaddam IV. Mais les producteurs se désistent et le projet tourne court. Quelques années plus tard, David Lynch tournera son propre Dune, sans lien avec les vues de Jodorowsky.

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Après l’Incal, tome 1, Alexandro Jodorowsky et Moebius, Les Humanoïdes Associés, 2000.

Après le film Tusk en 1979, qui met en scène les aventures d’un éléphant, son amitié avec Moebius lui ouvre l’univers de la bande dessinée. Ensemble ils signent Les yeux du chat en 1978, pour le compte des Humanoïdes Associés, puis commencent à travailler en 1980 sur les aventures de John Difool. Le héros de cette série rebaptisée L’Incal lors de sa réédition en 1998, est un détective privé, du nom de John Difool, qui hante la Cité Puits en compagnie d’une mouette urbaine appelée Deepo. L’une de ses enquêtes va le conduire à entrer en possession de « l’Incal lumière », une pyramide blanche aux pouvoirs mystérieux, recherchée par de multiples factions extraterrestres.

Avec cette suite romanesque qui comptera six volumes édités entre 1981 et 1988, Jodorowsky effectue une entrée fracassante dans le monde de la bande dessinée et devient l’un des scénaristes les plus courtisés dans le milieu. Suivront les aventures d’Aleph-Thau avec Arno, Le Dieu jaloux et L’Ange carnivore avec Cadelo, La Caste des Méta-Barons avec Juan Gimenez, puis Le Lama blanc avec Georges Bess.

Parallèlement à son oeuvre de scénariste de bande dessinée, Jodorowsky mène également une carrière d’auteur d’essais et de romans tels que « Les araignées sans mémoire » ou « Le paradis des perroquets » qui obtient le prix de l’humour noir en 1985.

En 1989, il revient vers le cinéma avec un fim tourné au Mexique pour le compte de Claudio Argento (frère de) : Santa Sangre, puis avec Le Voleur d’arc-en-ciel, l’année suivante. Santa Sangre raconte l’odyssée criminelle de Fénix, un jeune homme traumatisé par le massacre de ses parents des années plus tôt alors qu’il était enfant de cirque. Le film entremêle différentes thématiques : la religion, la pantomime, les meurtres en série, le cirque, la filiation oedipienne, l’esthétique du giallo, etc. Une oeuvre unique en son genre et, pour nombre de ses fans, le meilleur film du réalisateur.

En complément de son hyperactivité artistique, Alexandro Jodorowsky se passionne également pour la psychologie et le mysticisme qu’il mêle dans des disciplines comme la lecture du Tarot, la psychogénéalogie et la psychomagie.

Si Jodorowsky est l’inventeur du terme, la psychogénéalogie date en réalité des années 1970, précisément des travaux du professeur Anne Ancelin Schützenberger. Selon cette discipline, les événements vécus par les ascendants d’un patient pourraient conditionner ses problèmes psychologiques, ses maladies physiques et certains de ses comportements.

Pour enrayer la chaîne des répétitions, Jodorowsky préconise des actes « psychomagiques », c’est-à-dire des ritualisations créées sur mesure pour le patient selon sa problématique et adaptées au monde moderne. Ainsi que Jodorowsky le précise dans une interview : « Si le chaman utilise un corbeau, je peux utiliser un téléphone portable pour guérir… ». Un acte de psychomagie consistera par exemple à sculpter une silhouette en pâte d’amande, la détruire avec les dents à une heure précise, vêtu d’une façon particulière, puis à l’enterrer dans un pot de fleurs… Selon Jodorowsky, une jeune femme se serait ainsi débarrassée d’une douleur dans la mâchoire. Ce concept de « psychomagie » est notamment développé dans les ouvrages Le Théâtre de la guérison et La danse de la réalité.

Jodorowsky est également connu pour sa pratique du tarot divinatoire. À la fin des années 90, il s’est associé à Philippe Camoin pour éditer une version moderne du Tarot de Marseille en se basant sur l’un des jeux de Nicolas Conver, l’ambition affichée des auteurs étant de reconstituer le tarot tel qu’il était à son origine, mais également d’en faire un outil de psychologie jungienne.

Depuis les années 80, Alexandro Jodorowsky se met en spectacle dans le Cabaret Mystique, un one man show durant lequel, devant un parterre d’inconditionnels, il tire le tarot, raconte des blagues métaphysiques et commente les arbres généalogiques.

Après être resté près de vingt années éloigné des plateaux de tournage, Alexandro Jodorowsky a annoncé en 2011 son retour derrière la caméra. Mais, après avoir dû abandonner son projet de « film de gangsters métaphysique », à défaut d’avoir pu rassembler le budget nécessaire au tournage de King Shot, il repoussa le tournage d’un second long métrage, la suite très attendue d’El Topo, pour se consacrer à son autobiographie musicale La danse de la réalité (2013). The Sons of El Topo n’est pour autant pas abandonné. Rebaptisé Abel Cain, il devrait raconter le périple d’Abel et Caïn partis enterrer leur mère sur une île interdite.

Melmothia, 2016.

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Bandes dessinées

« Les Yeux du chat », par Alexandro Jodorowsky et Mœbius, Les Humanoïdes Associés, 1978.

La série « L’incal », par Alexandro Jodorowsky et Mœbius, Les Humanoïdes Associés, 6 volumes de 1981 à 1988.

« Le Trésor de l’ombre », Alejandro Jodorowsky et François Boucq, Les Humanoïdes Associés, 1999.

La série « Les Aventures d’Alef-Thau », par Alexandro Jodorowsky et Arno, Les Humanoïdes Associés, 8 volumes de 1983 à 1998.

La série « La Caste des Méta-Barons », par Alexandro Jodorowsky et Juan Gimenez, Les Humanoïdes Associés, 8 volumes de 1992 à 2003.

La série « Les Technopères », par Alexandro Jodorowsky et Zoran Janjetov, Les Humanoïdes Associés, 8 volumes de 1998 à 2006.

« Les Armes du Méta-Baron », Alejandro Jodorowsky, Travis Charest et Zoran Janjetov, Les Humanoïdes Associés, 2008.

Romans et essais

« La Danse de la réalité »,

« Le théâtre de la guérison : Une thérapie panique, la psychomagie », Albin Michel, 2001.

« Le paradis des perroquets », Albin Michel, 1984.

« Le doigt et la lune », Albin Michel, 1997.

« La sagesse des contes », Vivez soleil, 1997.

« L’arbre du dieu pendu », Metailié, 1996.

« La sagesse des blagues », Vivez Soleil, 1999.

 Filmographie

« Fando et Lis », 1967

« El Topo », 1970

« La Montagne sacrée », 1973

« Tusk », 1980

« Santa sangre », 1989

« Le Voleur d’arc-en-ciel », 1990

« Abel Cain ». Sortie prévue en 2011

« King Shot ». Sortie prévue en 2011

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