La Géomancie Astrologique [3eme partie]

Par Melmothia

III. L’interprétation du thème

Si vous êtes parvenus à placer les figures dans les bonnes Maisons sans vous emmêler la Nièce et le Juge, il vous reste encore à procéder à l’interprétation. Du côté des géomancies arabes, on trouve des tasakin, c’est-à-dire des arrangements fixes de figures utilisés comme grille d’interprétation d’un thème. En géomancie médiévale latine l’emploi des tasakin disparaît dès les premières traductions latines, remplacés par les Maisons astrologiques.

Mais contrairement à ce qui a cours en astrologie, l’interprétation d’un thème géomantique ne requiert pas de prendre en considération toutes ces Maisons. Dans l’absolu, on pourrait d’ailleurs ne regarder que la figure apparaissant dans la Maison de la question puisque c’est le pivot du thème. Ainsi, si je m’inquiète pour mes finances, je peux me contenter d’examiner la figure qui tombe dans la Maison II, celle des biens et de la gestion de l’argent. Cependant, vous conviendrez qu’il serait dommage d’effectuer toutes ces manoeuvres pour n’en extraire qu’une seule information. Les géomanciens s’efforcent au contraire d’extraire un maximum de renseignements du thème.

L’interprétation se fait donc généralement comme suit :

En priorité, une poignée de figures va être considérée : celle tombant la Maison I, celle se trouvant dans la ou les Maisons de la question, les Témoins, le Juge.

A ces informations qui constituent en quelque sorte le noyau interprétatif du thème, vont s’ajouter d’autres paramètres et techniques généralement inspirés de l’astrologie. L’influence de la grande soeur astrologie, selon le mot de R. Fludd, a en effet conduit les auteurs à complexifier les théories en ajoutant toujours plus d’emprunts, compilant leurs propres innnovations sur celles de leurs prédécesseurs sans les écarter pour autant. Voilà qui est typique de nos domaines où le savoir se constitue par strates, autrement dit, on n’ôte rien mais on additionne. A la fin, on a de quoi faire une encyclopédie des techniques géomantiques plutôt qu’un traité.

Evidemment personne n’utilise toutes ces ressources à la fois et aucun angle d’attaque n’est, dans l’absolu, « meilleur » qu’un autre, chaque géomancien a ses préférences. Si l’on voulait combiner toutes les techniques existantes, une année entière n’y suffirait pas, et surtout l’interprétation deviendrait très vite confuse. Mon conseil en la matière sera toujours le même : Testez tout ce que vous voulez et gardez ce qui vous parle le mieux.

1) Où regarder?

Le thème va principalement s’articuler autour de cinq ou six figures :

– La figure occupant la Maison I

La première chose à faire pour interpréter un thème est de regarder la figure occupant la Maison I qui donne des informations sur les dispositions du consultant, sa façon d’être dans la situation.

– La figure occupant la ou les Maisons de la question

Les figures dans les Maisons de la question vont vous parler de la situation elle-même.

– Les Témoins

Les Témoins révèlent la dynamique du point de vue du consultant, c’est-à-dire comment celui-ci se comportait dans la situation jusqu’à présent et de quelle façon son attitude est en train d’évoluer, ou évoluera prochainement.

– Le Juge

La figure occupant la Maison du Juge livre la résultante de la situation, la direction dans laquelle les choses évoluent. Certains praticiens la considèrent comme la « réponse ». Personnellement, et malgré le nom de cette figure, je ne pense pas qu’un thème géomantique livre une réponse à la façon d’un jugement de tribunal. Cet art est capable de mettre en évidence des dynamiques, révéler les forces en jeu, des tendances et des directions. Ce n’est pas un ticket à gratter sur lequel serait inscrit « gagné » ou « perdu ».

Une fois que vous avez identifié ces figures, vous pouvez les entourer sur le thème pour mieux les considérer.

Puis demandez-vous : cette figure dans tel secteur me fait-elle bonne impression ? Si vous êtes familiarisés avec les Figures et les Maisons, une impression d’ensemble ou une dynamique, devrait peu à peu émerger, des sensations ou des idées vont vous traverser, laissez-les venir, notez-les si vous voulez. Tout cela va doucement s’ordonner à la façon d’un puzzle dévoilant un paysage.

2) Les sentences

Ne cherchez pas. Vous ne trouverez ici aucune de ces longues listes de sentences qui occupent généralement près de la moitié des traités sur le sujet, celles où l’on vous dit que si Puer occupe la Maison IX, vous allez sûrement manger des fraises des bois mais qu’en Maison IV c’est pas terrible pour votre cousine Berthe… J’ai moi-même passé un certain temps à les examiner, les comparer d’auteur à auteur, les tester sur le terrain, les peser à l’aune avec ma propre intuition, et j’en ai conclu qu’elles ne servaient pratiquement à rien.  D’abord, et bien que certains auteurs aient essayé de les moderniser, elles sont terriblement anachroniques. La plupart de ces listes ont été rédigées au Moyen-Age ou à la Renaissance, à une époque donc où les préoccupations étaient fort différentes des nôtres. Or, nos géomanciens modernes ont tendance à les adapter à notre époque en gommant les plus gros anachronismes, ils ne se donnent que rarement la peine d’en restructurer l’ensemble. On n’y croise donc plus de prédictions concernant les écrouelles ou la peste noire, mais on y patauge quand même dix siècles en arrière.

Plus généralement, elles sont aussi pertinentes que l’horoscope du matin. A savoir qu’on peut parfois s’y retrouver, parfois pas. Pour enfoncer le clou, nous allons jeter un oeil à ces sentences et les comparer aux interprétations ‘sauvages’ de quelqu’un comme moi qui ne sait pas extraire une racine carrée de tête mais pratique la voyance.

3) Le cas Robert…

Prenons un exemple. Votre ami Robert cherche du travail et vous demande de monter un thème. Admettons que la première figure sortie soit Puella, la jeune fille C’est une figure positive mais qui peut signifier une certaine « légèreté » ou « inconstance », une tendance à rêver plutôt qu’à agir. Lorsque Puella sort en Maison I, je me demande toujours si la personne s’investit suffisamment dans la situation; c’est le reste du thème qui va déterminer si cette lecture est la bonne ou si Puella doit être envisagée dans une autre perspective.

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Allons voir à présent ce que nous disent les sentences :

Chez Roger Gascon, on lit « Idée bien pensée. Projet qui amènera de l’agrément » ; pour R. Fludd, Puella en Maison I annonce des victuailles et des conversations licencieuses, mais elle peut également désigner « une personne trappue, au col court, avec une grosse tête et des dents irrégulières et mal rangées ». Heureusement pour Robert, sa question ne portait pas sur une future rencontre amoureuse.

Admettons maintenant qu’Acquisitio tombe en Maison II et VI. Nous avons donc une passation – voir plus loin.

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Le sens général d’Acquisitio, figure plutôt positive, est celui de progrès, d’acquisition, de gains. La Maison II est celle des finances & des possessions, quant à la Maison VI, c’est celle du quotidien, du travail, de la santé. De cette double domiciliation, je déduis que Robert n’a pas de soucis matériels. Acquisitio est une figure à laquelle je trouve un côté « lent » et « régulier » qui se marie bien avec la Maison VI. Si les ressources ne font pas défaut, elles ne sont pas non plus exceptionnelles. De grosses sommes auraient été – selon moi – manifestées par Laetitia, figure à laquelle je trouve un petit côté « Jack-pot» .

Robert bénéficie sûrement d’indemnités, d’économies ou de placements qui lui permettent de mener son train train quotidien sans grande inquiétude.

Du côté des sentences, Roger Gascon nous dit «Rentrée d’argent. Les ressources vont s’accroître » et « Larges moyens matériels pour atteindre les objectifs. Travail fructueux, épanouissement dans l’activité professionnelle ». Pendant ce temps, Cattan nous dit que c’est le bon moment d’acheter de petits animaux comme brebis, agneaux, chèvres ou pourceaux.

Admettons maintenant qu’en Maison XV (le Juge), le thème donne Carcer :

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Cette figure implique une stase, une stagnation. Cela signifie que Robert risque de ne pas trouver du travail immédiatement car il ne cherche pas assez, ou dans la mauvaise direction. Le reste du thème donnera des précisions à ce sujet (soucis personnels, mauvaise orientation, etc.).

Si l’on regarde du côté des sentences, Roger Gascon nous dit : « ce que vous cherchez est inaccessible ». Robert n’a donc plus qu’à épouser une belle rentière. Et encore, il s’en tire bien puisque pour Fludd, Carcer en Juge lui annonce « beaucoup d’incendies et de ruines ». Et si par malheur, Acquisitio, la figure de la Maison II, avait eu la mauvaise idée de passer en Maison IX, vous auriez en plus dû annoncer à Robert la mort prochaine d’un ecclésiastique.

Pauvre Robert… Il risque d’être désappointé quand vous allez lui annoncer que sa maison va brûler plusieurs fois, qu’il va acheter une chèvre et causer la mort d’un prêtre.

4) Regarder le thème

Après la première impression d’ensemble, essayez de repérer des cohérences correspondant à différents types d’influences, notamment grâce aux passations [1] vous verrez qu’un thème est généralement coloré par deux ou trois figures dominantes. L’erreur commune est de déléguer trop de travail à l’intellect, c’est-à-dire d’accorder la part belle aux tables, à des considérations que l’on juge ‘objectives’, en oubliant que ces indications ne sont que des aides, des supports sur lesquels se greffent les ressentis et les visions.

Ces manies sont imputables à une double illusion : On pense qu’une forme d’objectivité peut naître de la rigueur des calculs, et le fait de s’accrocher comme à une bouée aux procédures, en croyant qu’il est plus facile de consulter des tables que de jouer les voyants. Or, il n’y a rien d’objectif, et encore moins de ‘scientifique’, dans le fait de tirer des figures au hasard. On aura beau les multiplier, les additionner, extraire leurs racines carrées, leur regarder le fond de la gorge, on pourrait même leur faire danser la java, elles n’en resteraient pas moins des figures tirées au hasard et des supports projectifs, autrement dit elle émanent de l’humain & parlent à l’humain.

Quant aux béquilles censées aider le voyant à marcher, elles sont parfois plus handicapantes qu’autre chose. Le sens imposé par les sentences va venir faire écran entre les figures et vous. C’est le danger de ces approches très ‘mathématisées’. Penser que la réponse est dans l’équation alors que celle-ci ne sert que de tremplin à l’esprit.

Sans oublier que multiplier les précautions, les calculs, les références sert surtout à embrouiller les choses. Pour cette raison, je vous présente les notions une par une, en espérant que vous pourrez les intégrer, les tester, les trier au fur et à mesure plutôt que de tout appliquer en bloc pour constater ensuite qu’à part un joli croquis plein de ronds et de traits, vous n’avez pas vu grand chose.

Melmothia 2007.

[1] Il y a Passation lorsque la figure d’une maison se retrouve dans une autre maison, ces maisons doivent alors être interprétées comme liées. Les passations les plus importantes en géomancie astrologique sont celles qui concernent la Maison I et la Maison de la question. Si une même figure se retrouve dans ces deux cases, son importance s’en trouve décuplée.

Les praticiens se sont surtout penchés sur les passations de figure depuis la Maison I. Les traités proposent de longues listes de réponses-types suivant qu’elle passe dans la II, ou la III, etc. Mais, comme pour les questions associées aux Maisons, ces catégories me semblent trop rigides. L’interprétation doit toujours être contextuelle et reflêter vos ressentis, plutôt que des sentences lues dans des manuels. C’est ce qui fait toute la différence entre un collage approximatif et une voyance.

Commentaires 4

  • remerciement de votre site pour nos recherche.

  • j’ai tellement envie de connaitre la geomancie aidez moi et conseillez moi des livres qui peuvent vraiment m’aider à faire une tres bonne devination sans mentir, rien n’est plus honteux que de mentir quelqu’un qui se confie à toi

  • J’ignore ce qu’est « une bonne devination sans mentir », mais en matière de géomancie, je vous conseille les ouvrages d’Alain le Kern ainsi qu’un DVD dont le fascicule a été rédigé par une amie : http://www.caput-draconis.com/pages/DVD_LUnivers_des_Arts_Divinatoires-826892.html

  • Bonjour et merci pour tout ce que vous écrivez sur la Géomancie. Je suis burkinabè et gourmantché. ça fait un bout de temps que je lis les ouvrages et les écrits sur lé géomancie.Ce que je constate,à moins de faire érreur c’est que les interprétations données sont statiques c-à-d qu’elles permettent juste de dire ce qui s’est passé ou ce qui se passera.
    En revanche dans la géomancie gourmantché ce qui est intéréssant c’est qu’elle permet d’aller au delà de tout cela et c’est ce qui, en mon sens, fait sa spécificité. Chez nous, la géomancie permet par exemple, devant une situation difficile, de dire quel ssacrifice ou quel rituel faire pour y rémédier.
    En mon sens, je pense que c’est le plus important. Si les gens consultent chez nous, ce n’est pas pour savoir si demain sera ou pas un bon jour, mais c’est avant tout savoir comment faire pour que demain soit un bon jour!!
    J’espère que je me fais comprendre!!
    A tout moment alors

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