Radieso : Ma Genèse fout le camp…

Par Endemoniada

[Jingle] Chers auditeurs, bienvenue sur les ondes de Radieso qui émettra désormais en parallèle sur la fréquence télépathique. Pour remplacer notre émission vedette « Table Ronde » animée par Arthur que le chant des sirènes pécuniaires a poussé à s’échouer sur une chaîne concurrente, nous avons décidé de vous proposer un nouveau concept de talk-show. Sur le plateau, entourés d’éminents spécialistes, nous tenterons d’apporter une réponse aux questions existentielles que vous nous posez par l’intermédiaire de centaines de millions de lettres adressées au courrier des auditeurs.

Pour inaugurer la formule, nous avons tiré au hasard cette carte postale que le petit Kevin nous envoie de Jérusalem : « Mon père qui est boucher et qui s’y connaît vachement en Dieu m’a dit qu’il était impossible que la première femme ait été bricolée à partir d’un kit d’Adam comme c’est écrit dans le livre de la Jeunesse, qu’en pensez-vous ? ».

Sacré Kevin, tu dois sans doute faire allusion à la Genèse, terme défini par les Grecs, mais dont l’origine Bereshit est hébraïque et signifie « Au commencement c’était le début ». Même si la tradition juive orthodoxe persiste à en attribuer la paternité à Moïse, le premier alpiniste de l’histoire, les théologiens chrétiens estiment que l’auteur, un certain Esdras, l’aurait rédigée aux alentours du IVe siècle avant notre ère sur un PC : le Papyrus Cyperus.

Ensuite, ce n’est pas d’un kit dont serait sortie la première femme, mais d’une côte. Rassure-toi Kevin, ce n’est pas sale et quand un corps change, c’est sans douleur, si Dieu est amour, il a également la réputation d’être un brillant anesthésiste.

Ta question est d’autant plus intéressante que de nos jours encore, c’est la légende que l’on colporte dans les cours de catéchisme et il se pourrait fort bien que ce concept d’extraction costale soit la conséquence d’une erreur de traduction commise par Esdras en incorporant à la Genèse un épisode de la mythologie sumérienne.

Les assyriologues Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, deux éminences grises auteurs de nombreux ouvrages de référence, ont émis l’hypothèse que le ou les pères de la Genèse ont subi l’influence des premières civilisations, et notamment celle à qui nous devons l’invention de l’écriture, les sumériens.

Pour étayer cette théorie, ils ont relevé un nombre considérable d’analogies entre les légendes mésopotamiennes et la création telle que nous la décrit le premier livre de la Bible.

Tout d’abord, la localisation de ce que nous appelons le Jardin d’Eden et que les Babyloniens, vainqueurs des Sumériens, nommaient Dilmun ou « pays des vivants » est identique. Cet endroit paradisiaque, berceau d’Adam et Ève, aurait été enclavé entre le Tigre et l’Euphrate, dans lesquels venaient se jeter le Phison et le Gihon, que l’on a d’abord faussement assimilé au Nil et au Gange avant que des relevés satellites ne nous apprennent qu’il s’agissait en réalité de deux cours d’eau asséchés.

Voilà pour quelques précisions géographiques.

Pour en revenir à cette côte qui te préoccupe Kevin, il nous faut exhumer une tablette cunéiforme sumérienne qui relate comment la déesse Ninhursag a créé Ninti que l’on pourrait apparenter à Ève en prélevant à Enki, l’équivalent d’Adam, une côte malade.

Chers auditeurs, tenez les chiennes de garde en laisse, car il n’y a aucune connotation phallocrate dans nos propos, pour toute réclamation, qu’Isabelle Alonzo et son chenil s’adressent directement à l’ambassade sumérienne. Jusqu’à présent, les mythes juifs et sumériens concordent, car selon ces derniers la première femme serait également née d’une côte soustraite au premier homme.

Or, comme c’est le cas dans la plupart des langues, un mot peut revêtir différentes acceptions, ce que les sémanticiens appellent une homonymie. Ainsi, dans le texte original sumérien, « tî », avec un i long, signifie à la fois  «la côte » et « la vie ».

De ce fait, Ève aurait vu le jour grâce à la vie d’Adam, donc rien à voir avec l’os de sa cage thoracique. Sur la base de cette subtilité linguistique, les deux assyriologues postulent que le ou les rédacteurs de la Genèse ont pu être les victimes du premier calembour littéraire de l’histoire de l’écriture en faisant abstraction du sens plus vraisemblable du mot « tî » pour le traduire en hébreu où « côte » et « vie » n’ont aucune racine commune.

Autre similitude frappante entre la Genèse et les écrits sumériens: Les huit plantes de Ninhursag que consomment Enki et Ninti et qui constituent leur perte, puisque dès cet instant, en plus de leur bannissement, Ninti enfantera dans la douleur, peuvent être mises en parallèle avec le fruit de l’arbre de la connaissance qu’ont goûté Adam et Ève.

Mon cher Kevin, nous espérons avoir apporté des éléments de réponses à ta question. Il est temps à présent de nous quitter, chers auditeurs. La prochaine fois nous répondrons à Jennifer qui nous demande combien de temps Esaü fit-il cuire son plat de lentilles.

Endemoniada 2007

Source : L’histoire commence à Sumer, de Samuel Noah Kramer, préfacé par Jean Bottéro, Editions Arthaud, 1957.

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