Cristaux, mythes et réalités, Barbara Walker

Par Melmothia

Chefs d’œuvre en Béryl

L’ouvrage dont j’aimerais vous faire profiter s’appelle Cristaux, mythes et réalités ; il est signé Barbara Walker, digne membre de la Société minéralogique du Morris Museum et diplômée de l’Université de Pennsylvanie. Comme le titre le suggère, ça parle de pierres et comme la fébrilité de ma plume doit vous l’indiquer, gemme beaucoup (hin-hin), d’autant que dans la première partie, c’est la fête aux new-ageurs.

Depuis trois décennies, la mode est aux cristaux nous dit l’auteur. Aux cristaux et à l’ignorance crasse des auteurs qui se mélangent l’agate et le lapis-lazuli, qui invoquent l’électromagnétisme, l’orgone, les fluides et la quantique, l’éther et le ciel, le tout dans le désordre le plus festif.

« Les livres sur les propriétés des cristaux abondent et sont remplis d’erreurs. La composition, les propriétés, jusqu’aux noms des divers minéraux sont dénaturés, écorchés, erronés, ou simplement absents, les auteurs ne s’étant pas donné la peine de s’informer à leur sujet » [1].

Le phénomène emballe les prix, épuise les spécialistes et les gisements. Qui n’a pas son amulette énergétique ? Or, « généralement les tenants d’une école de pensée ne veulent rien savoir de l’autre. Ceux qui s’intéressent à l’ésotérisme des pierres font habituellement preuve d’une ignorance effarante en minéralogie, tout en prétendant s’y connaître – pour ne rien dire des principes de base en géologie, en chimie et en physique. Inversement, les minéralogistes professionnels rejettent les affirmations des lithothérapeutes […] les jugeant dignes de mépris et trop absurdes pour être prises en considération » [2].

Déplorable constat d’une triste banalité : le déni des sciences dures à l’égard du paranormal versus l’illuminisme et l’ignorance militante des convaincus assortie d’une pseudo caution scientifique. Un double discours constitué à la fois de références techniques dénaturées et de relativisme — des goûts et des couleurs, chacun croit ce qu’il désire et je transcende si je veux.

Car évidemment ceux-là mêmes qui balaient les critiques au nom du libre n’importe quoi sont les premiers à retourner leur veste pour en exhiber la doublure en 50 % dogme 50 % fouzitou pseudoscientifique – Lavage à l’eau réchauffée & surtout pas d’essorage, les coutures risqueraient de sauter. Le lire noir sur blanc fait du bien, même si la liste des reproches à l’encontre des new-ageurs n’a rien de nouveau, notamment, comme nous l’avons déjà évoqué, l’utilisation brumeuse de concepts ayant pour but de « faire scientifique » :

« Ce genre de discours est malheureusement courant chez les adeptes des cristaux du Nouvel Age car leur utilisation du langage scientifique ressemble au salmigondis des enfants qui ânonnent l’alphabet » [3].Et l’auteur de citer quelques délicieux passages tels que : « La fonction des matrices cristallines est de reproduire les géométries abstraites causales de l’Esprit Universel et ainsi de fournir une matrice stable de continuité interdimensionnelle et d’interactions énergétiques ordonnées » [4]. La compréhension est, comme le dit B. Walker « laissée à l’appréciation des lecteurs ».

Dans la lancée, elle dénonce quelques erreurs fondamentales : penser que les cristaux dégagent par eux-mêmes une énergie, parler de pureté des pierres selon leur origine et le traitement qu’elles ont subi, l’idée farfelue les cristaux sont vivants, sensibles, qu’ils vont purifier l’humanité, etc.

« Le ton naïf de la littérature du Nouvel Age est une réminiscence d’un monde plus simple, qui paraissait à l’homme ordinaire plus ou moins compréhensible […] Le Nouvel Age relève en partie du désir irrationnel de parvenir à la compréhension sans s’astreindre à la discipline de l’étude. » À cette simplification, il faut ajouter celle du manichéisme : « L’utilisation des termes supérieur et inférieur montre que le monde du Nouvel Age a tendance à être fortement hiérarchisé » [5].

Pour mémoire, après défoulement et remise des pendules à l’heure, la deuxième partie de l’ouvrage consiste en un descriptif de divers minéraux, 140 précisément. Tout ce que vous avez toujours rêvé de savoir depuis l’adamite jusqu’au zirconia cubique, en passant par l’obsidienne (avec mes sabots, lalala).

Silicium m’était conté

« Le plus connu et le plus commun des minéraux cristallisés à la surface de la Terre est la glace […]. Par définition, un liquide n’est pas cristallin, mais quand la température de l’eau descend en dessous de 0° centigrade, elle cristallise. La congélation est synonyme de cristallisation. En grec, glace se dit krystallos. Les anciens Grecs donnaient ce nom au cristal de roche (quartz) car ils pensaient à tort que le quartz était de la glace fossilisée – autrement dit, qu’elle avait atteint un tel degré de dureté qu’elle ne pouvait plus fondre. Ils étaient plus proches de la vérité qu’ils ne le croyaient. La cristallisation est identique à la congélation, tous les minéraux cristallins de la terre sont à l’état solide. Les températures par lesquelles ils passent de l’état liquide à l’état solide peuvent être de plusieurs centaines ou milliers de degrés supérieurs au point de congélation de l’eau, mais le principe reste le même […].

Le mot cristal désigne une substance minérale qui a atteint l’état solide par refroidissement. Ses molécules se sont organisées en un réseau tridimensionnel relativement stable. Ce schéma structurel diffère avec chaque minéral. Presque tous les métaux et les roches de l’écorce terrestre sont composés de ces cristaux.

Toutefois, tous les minéraux solides ne sont pas cristallins. Certains sont passés de l’état liquide à solide trop rapidement pour que des cristaux se forment. C’est souvent le cas de la lave rejetée par les volcans à la surface de la Terre, où elle se refroidit rapidement. De tels solides sont désignés sous le terme de verre. L’obsidienne est un exemple courant de verre volcanique naturel.

Le verre est le contraire du cristal. Dans le verre, les molécules n’ont pas de structure organisée […].

On trouve des cristaux de toutes tailles. Un seul cristal peut parfois atteindre plus d’un mètre et peser plusieurs tonnes. Ou bien un minéral peut consister en un agrégat de petits cristaux microscopiques indiscernables à l’œil nu. Ce type de minéraux donne la fausse impression d’une texture « vitreuse » et lisse. Les diverses variétés de calcédoine – agate, onyx, jaspe et cornaline – sont des exemples communs de minéraux microcristallins ou cryptocristallins. […]

Chaque minéral possède son propre point de congélation […].

Les cristaux des minéraux présentent une morphologie variée : cubes, lames, aiguilles, fibres (amiante), plaques (mica), ou des agrégats en forme de reins, d’épis, de grappes […]. Souvent les cristaux d’un minéral se forment autour d’autres cristaux plus anciens, ces derniers formant ce qu’on appelle des inclusions […].

Nombre de gens emploient le terme cristallin comme synonyme de transparent, ce qui tend à entretenir l’idée fausse que seuls les minéraux cristallins sont transparents. Rien n’est plus éloigné de la vérité. La majorité des cristaux dans la nature sont opaques » [6].

Onyx soit qui mal y pense

Je parlais plus haut du relativisme brandi par les tenants d’une certaine « spiritualité » pour se positionner au-delà du démontrable, à savoir que toute croyance peut être adoptée sans être débattue, tout est vrai puisque tout est faux. Je n’apprécie guère ces guignols, cependant si B. Walker a raison de stigmatiser la paresse intellectuelle, je dois admettre qu’elle pêche parfois par scientisme, oubliant, n’en déplaise aux réducteurs de têtes, qu’une connaissance ne chasse pas forcément l’autre. Les new-ages ont certes tort de faire les poubelles de la religion et de la science en omettant le tri sélectif, il ne faut pas non plus tomber dans l’excès inverse, tout évacuer dans la benne à ordure par peur de la contamination, tentation à laquelle cède parfois notre auteur.

Je ne vais pas entrer dans le débat, évitons de réveiller le Balrog – aka le vieux débat magie/science. Mais ceux qui ricanent de la sympathie devraient de temps en temps se rappeler que formalisme et réalité ne se rencontreront jamais, que leurs belles et carrées vérités impliquent, bien plus que les rêves des alchimistes, de faire le deuil du réel. Mais sans doute que l’auteur tente de faire contrepoids. Par conséquent, à vous, mes amis new-ages, capables de trahir Comte et Blavatsky d’un seul trait de plume, de mécomprendre à égalité science et transcendance, je dédie ce pamphlet gémmologique.

Melmothia 2007.

(1) Cristaux, mythes et réalités, Barbara Walker, Editions Dangles, 1993, p.13

(2) Ibid. p.19

(3) Ibid. p.37

(4) Ibid. p.36

(5) Ibid. p.45-49

(6) Ibid. p.25-27

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